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Cindy et Océane se rendirent à la section des Équipements, Elles avaient du pain sur la planche, et la plus jeune devait se présenter au travail à l’aéroport afin de ne pas être congédiée avant la fin de sa première semaine de travail.
— La maternelle de l’Agence, grogna Cindy en se rappelant les paroles de la doyenne. Le secteur le plus tranquille…
— Il ne s’est jamais rien passé de tel quand j’étais aux Faux prophètes, se défendit Océane. Ça doit être toi qui attires le trouble.
— Moi ? Est-ce que ça se peut ?
— Mais non. À moins que tu sois un agent double.
— J’ai déjà assez de misère à être un agent simple.
Océane éclata de rire.
— Je t’aime bien, toi, confessa-t-elle en lui donnant une solide claque dans le dos.
Cindy tapa le code sur la porte et entra la première. Elle sortit de son casier un sac de plastique transparent dans lequel on pouvait voir sa tenue de travail.
— Pendant les enseignements d’Éros, as-tu eu le temps de voir l’étranger dont j’ai parlé à Cédric, ou est-ce que tu étais trop ensorcelée par ses paroles pour voir quoi que ce soit ? demanda Océane.
— J’ai eu le temps d’évaluer notre environnement, si c’est ce que tu veux savoir, répondit-elle en sortant les vêtements du plastique. Oui, je l’ai aperçu moi aussi. Je m’en souviens surtout parce que c’était un bel homme. Je trouve bizarre qu’il ait disparu si rapidement.
— Il a peut-être senti que nous étions des agentes de l’ANGE. Pourtant, il ne nous a pas regardées une seule fois.
Océane se mit à arpenter la pièce, perdue dans ses pensées, pendant que Cindy se déshabillait pour enfiler son costume de préposée d’Air Éole.
— En fait, il semblait tout aussi fasciné que toi par les divagations d’Éros, ajouta-t-elle.
— Et s’il n’était qu’un disciple comme les autres ?
— Les autres apparaissaient sur la bande vidéo. Je vais faire sortir tous les renseignements que nous avons sur les gens qui se trouvaient dans la salle et voir si je peux obtenir des photos.
— Je suis prête à parier que tu ne trouveras rien sur lui, prédit Cindy.
— C’est possible, mais ça vaut la peine d’essayer.
Lorsque la recrue fut enfin prête, les deux femmes retournèrent dans le couloir et marchèrent jusqu’à l’ascenseur.
— C’est quoi, la théorie de Yannick ? s’enquit Cindy.
— Il prétend que l’avènement d’un nouvel ordre social menant à la mondialisation fera renaître l’Empire romain avec ses empereurs et ses atrocités.
— Sérieux ?
— Tu ne connais pas Yannick, sinon tu ne me poserais pas cette question. Monsieur Jeffrey est un érudit, un spécialiste de l’histoire. Non seulement il l’enseigne au cégep, mais il n’arrête pas de l’étudier. Il coûte une fortune en livres à l’Agence. Et il connaît aussi d’autres méthodes moins orthodoxes pour obtenir de l’information sur le passé.
— Ça commence à sentir l’étrange…
— Je le laisserai t’en parler quand il aura envie de le faire. Pour l’instant, je peux juste t’assurer qu’il n’est pas fou.
Elles s’arrêtèrent devant les portes métalliques.
— Vu ton ancienneté, tu as le droit de partir la première, s’inclina Cindy.
— Mais moi, je ne travaille que ce soir, alors que toi, tu vas être en retard.
Les portes s’ouvrirent. Cindy entra dans l’ascenseur.
— À plus tard, fit-elle avec un radieux sourire.
— Garde l’œil bien ouvert, O.K. ?
Cindy fit signe que oui tandis que les portes se refermaient. Océane s’appuya contre le mur pour attendre le prochain départ. Yannick sortit des laboratoires. Il leva les yeux des feuilles imprimées qu’il tenait à la main.
— Si ce n’est pas la plus belle femme du monde ! se réjouit-il.
— Ne recommence pas, Yannick, l’avertit Océane, le regard orageux.
— Tu n’aimes plus les compliments ?
— Pas de la part d’un agent qui a déjà été prévenu que nous ne pouvions pas entretenir de relation intime. Je n’ai pas envie d’être renvoyée.
— Nous avons acquis bien trop d’expérience maintenant. Ils ne pourraient pas se passer de nous.
— Est-ce que je dois aussi te rappeler qu’il y a des caméras et des micros partout, ici ? se hérissa-t-elle.
— Mais je n’ai rien à cacher.
— Concentre-toi plutôt sur César et ce mystérieux O. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’il est l’homme que j’ai vu chez Éros.
— Je ne serais pas surpris que tu aies raison. Tes facultés psychiques sont très développées.
— Ça, c’est ton domaine, pas le mien. Je préfère les faits concrets. C’est plus facile à présenter à Cédric.
— Tu es encore fâchée contre moi, déplora Yannick.
— Non. Mais si tu recommences à m’envoyer des fleurs, alors ce sera la guerre.
— C’est ton côté combatif que j’aime, la taquina-t-il.
— Yannick…
La porte de l’ascenseur s’ouvrit enfin. Océane s’empressa de s’y engouffrer. Moqueur, Yannick lui souffla un baiser.
— Je t’avertis… maugréa Océane.
La porte se referma sur son visage menaçant. Yannick s’appuya lui aussi contre le mur en continuant de relire sa théorie. Il entendit des pas et fit volte-face. Cédric venait vers lui, un journal à la main. Il n’était pas difficile de voir qu’il n’était pas content.
— Je plaisantais, s’excusa Yannick.
— Je l’espère, parce que j’ai besoin de vous tous en ce moment.
— Tu as reçu d’autres mauvaises nouvelles ?
Cédric déposa le journal britannique sur ses feuilles. La une de ce dernier lui sauta aux yeux : CÉSAR DASSILVA APPOINTED AT U.N.
— Le nouveau directeur de l’ONU s’appelle César ?
— J’ai pensé que ça t’intéresserait, lâcha Cédric.
Il tourna les talons et laissa Yannick pétrifié devant l’article.